Patchwork

Les origines

Personne ne connaît réellement l’origine du patchwork. Les Chinois et les Egyptiens se disputent l’honneur d’avoir inventé le tissage et l’utilisation du tissu remonte donc à des siècles, sinon à des millénaires. L’habitude qu’avaient les Egyptiens d’embaumer leurs morts et de les enterrer avec leurs objets usuels, nous a permis de trouver des traces tangibles de leurs oeuvres dans ce domaine.

Les Egyptiens savaient tisser et ils savaient aussi teindre leurs tissus et ils ont utilisé pour leurs ouvrages en tissu la même gamme de couleurs vibrantes que celle qu’ils utilisaient pour leurs fresques. Très vite ils ont commencé à juxtaposer des tissus de couleurs différentes pour recréer sur tissu les scènes qui ornaient leurs murs: les premiers patchwork ont été des appliqués.

Le Moyen Age

Au Moyen âge, décorer les textiles devint de plus en plus commun sous la double impulsion de l’Eglise (décorer les chasubles et autres vêtements utilisés pendant le culte était une façon d’honorer Dieu) et des soldats pèlerins qui ramenaient de leurs croisades en Orient des vêtements et panneaux muraux richement teints et décorés. Mais la plupart de ces vêtements ou tapisseries étaient essentiellement ornés de broderie ou de travail d’application. Toutefois il semble que la technique que nous employons en crazy ait été utilisée très tôt par les arabes sous le nom de « inlay »: les morceaux de tissus étaient placés sur un fond , cousus et les coutures étaient dissimulées par les points de broderie.

On ne sait pas exactement quand l’habitude fut prise de matelasser les couvertures et autres panneaux muraux. Il est probable que cette habitude a été systématisée d’abord dans les pays du Nord, le grand problème étant de se protéger du froid et des courants d’air dans des habitations mal isolées et peu chauffées. Mais en Provence on a très tôt matelassé vêtements et dessus de lits. L’idée provient probablement de Chine, et de la vision des vêtements matelassés que portent les asiatiques en hiver. Elle serait arrivée en Provence via l’Italie. L’industrie des toiles piquée était florissante à Marseille dés le XVII ème siècle. Ce matelassage était effectué en plaçant une bourre de coton entre deux épaisseurs de tissu, ou en introduisant le coton mèche par mèche entre deux rangées de matelassage- technique du bouti.

On ne sait pas non plus quand apparut le travail de patchwork proprement dit. De tous temps, la cherté des étoffes a poussé les ménagères économes à défaire les vêtements pour en faire un autre ou à sauver tout ce qui pouvait être sauvé d’un vêtement usagé et à le réutiliser pour fabriquer un autre vêtement . En Provence on appelait de tels vêtements des pèço-sus-pèço fait à l’aide de « petassouns » et ils servaient dans la vie quotidienne, les tissus neufs étant réservés aux vêtements de fête. Les femmes provençales cherchaient déjà à harmoniser couleurs et motifs , mais ce n’était pas toujours le cas: On peut observer sur les peintures de diverses époques des vêtements rapiécés avec de morceaux de couleurs différentes et le célèbre habit d’Arlequin a probablement été réalisé ainsi.

Les pays de Nord et les immigrants

Il semble que le patchwork tel que nous le connaissons aujourd’hui ait émergé en Hollande à la fin du XVIII ème siècle. Les morceaux de chintz qui restaient après la confection des vêtements étaient soit combinés pour faire de grandes pièces, soit utilisés pour décorer. Les plus anciens quilts connus en Hollande sont datés (1796) . Ils sont inachevés , ce qui permet d’avoir une idée exacte de leur construction. Ils sont composés de motifs géométriques (triangles, étoiles) et comportent plusieurs épaisseurs de tissu et une garniture de coton. Le patchwork gagna du terrain régulièrement en Hollande pendant le XIX ème siècle.

Les immigrants anglais et hollandais avaient amené cette technique avec eux et la rareté et la cherté du tissu poussèrent les femmes des pionniers à l’utiliser de façon extensive: on estime que les morceaux de tissu restant après la coupe d’un vêtement avaient autant de valeur que le vêtement lui même. Tout était utilisé depuis les grossiers tissus de laine jusqu’au morceaux en bon état provenant de vieux vêtements de soir ou de velours. Par ailleurs il fallait empiler une dizaine de quilts sur chaque lit pour se protéger du froid dans le climat rigoureux de la Nouvelle Angleterre. Et le même climat encourageait la confection de vêtements matelassés.

Certains historiens pensent que la fabrication des quilts aux Etats Unis était réservée aux classes aisées: la plupart des tissus étaient importés  d’Europe (essentiellement d’Angleterre) et les importateurs décourageaient la création de fabriques locales. Du fait donc de la cherté du tissu les vêtements avaient des formes non galbées ce qui laissait peu de chutes disponibles pour faire des patch. Et rares étaient les gens assez riches pour disposer de plus d’un vêtement de rechange.

C’est un argument de poids: les livres du XIXème siècle décrivent abondamment la vie de ces gens si pauvres qu’ils devaient dormir avec leurs vêtements. Nous savons aussi que la grande majorité des immigrants venaient pour fuir la misère ou les persécutions religieuses ou simplement dans l’espoir de faire fortune. La majorité était d’origine anglaise et protestante. Comme il ne reste pratiquement pas de quilts provenant de ces époques reculées il est difficile de se faire une idée précise à ce sujet. Mais cette absence peut être attribuée à d’autres causes: le tissu a une durée de vie limitée et qu’un usage intensif raccourcit encore. Et les quilts fabriqués dans un but utilitaire n’étaient sans doute pas assez ménagés pour survivre plus de quelques années. De plus on ne voyait sans doute aucune raison de mettre en avant des objets aussi ordinaires.

La confection des quilts occupait les soirées d’hiver et le matelassage rassemblait les femmes autour des métiers. L’utile se joignait à l’agréable, on bavardait en travaillant et les quilts les plus réussis étaient présentés dans les foires, l’obtention d’une rosette démontrant l’ habileté de la couturière. Cela procurait aux femmes une occasion de se détendre, de créer et d’être reconnues pour leur habileté et leur créativité.

Peu à peu le tissu devint plus facile à trouver et moins coûteux, on commença à fabriquer des couvertures industrielles et peu à peu l’art du quilt tomba en désuétude. A la fin du XIXème siècle les quilts faits par les ménagères (et d’après Cuesta Benberry on en a toujours fabriqué des tas à toutes les époques)  n’intéressaient plus personne.

Je vous vois bondir en lisant cette phrase. Comment ça n’intéressait plus personne…. Cette deuxième moitié du XIXème a vu s’épanouir  deux des fleurons du quilt: le Baltimore et le Crazy. C’est vrai. Mais l’un comme l’autre sont liés à l’ère Victorienne qui voyait les travaux d’aiguille comme un moyen de maintenir les riches femmes oisives sur les chemins de la vertu.   Ce type de quilt  ne correspondaient pas à une nécessité matérielle mais à une nécessité morale. Et – je regrette de le dire-  ce qui est une source d’intérêt dans les milieux riches ou aisés a toujours énormément d’impact.

Pourtant le patchwork  tel que nous le connaissons allait renaître des ses cendres plusieurs fois ce qui montre l’attachement que lui portaient les américains.

Les « Revival »

D’abord qu’est-ce que le « quilt revival »? Cuesta Benberry (de Saint Louis, Missouri, archiviste en matière de quilts) nous dit ceci:

« J’utilise le terme « quilt revival » pour désigner une periode d’abondante publicité. Quand des organisations, des institutions et des personnes qui ne sont pas d’habitude associées aux quilts  se mettent à le faire. Quand un grand nombre de nouveaux adeptes du craft/art sont attirés essentiellement par la couverture qui en est faite par les média de l’époque. Quilt revival ne signifie donc pas résurrection d’un craft mort. 

Le premier revival date des années 1910 et se prolongea jusqu’au début des années 20. Il commença environ dix ans après le déclin de la popularité du crazy victorien en soie. Certes l’abondance et la commodité de quilts industriels avait contribué au ralentissement de la confection de quilts « faits main à la maison« .  Mais il y eut aussi peu à peu un rejet des quilts en soie par les fermières qui ont toujours constitué les courant principal de la production du quilt en Amérique. Elles trouvaient que les quilts de coton étaient plus résistants, plus économiques et plus adaptés à leurs maisons que les quilts en soie. On redécouvrit les vieux motifs. Ce fut une aventure: beaucoup de ces patrons avaient été oubliés depuis les années 1870 et même avant. Les demandes de patrons affluèrent auprès de journaux comme « Ohio Farmer », »Farmerand Fireside » etc. Les catalogues de patrons se multiplièrent. On renomma de vieux patrons, on commercialisa des kits.

L’entrée en guerre des Etats Unis ( 6 Avril 1917) activa le revival. D’une part on produisit des tas de quilts qui par l’intermédiaire de la Croix Rouge devaient  réchauffer les orphelins et sans abris des pays  d’Europe ravagés par la guerre et témoigner de la solidarité du peuple américain. D’autre part on encourageait la fabrication de quilts pour réserver les couvertures plus chaudes aux soldats « Make quilts- save the blankets for our boys over there ». Le revival se termina avec la guerre mais il avait définitivement transformé la conception qu’on se faisait du quilt. La guerre avait donné au quilt un cadre de référence historique. Elle avait confirmé  l’existence d’un héritage dont les racines remontaient à l’antiquité. Elle confirma que le quilt faisait partie des arts populaires typiquement américains.

Un deuxième revival se produisit en 1933 lorsque Sears organisa le concours  du « Century of Progress quilt  » dans le cadre de  l’exposition universelle. Il y eut des milliers  d’entrées et cela marque le commencement de l’ère du quilt liée à la Dépression.

Puis le quilt retomba dans l’oubli. Lorsqu’au début des années 70 on recommença à s’y intéresser, c’est pour sa valeur historique et dans le désir de renouer avec une tradition perdue. Le grand concours organisé en 1978 par le journal  « Good Housekeeping » consacra ce regain d’intérêt et rappela au monde l’existence de cette forme d’art oubliée. Le troisième revival était commencé. Aujourd’hui le monde entier pratique le patchwork, non plus dans un but utilitaire, mais pour la joie qu’il y a à manipuler des tissus, à assortir des couleurs et à créer des objets divers. L’existence d’un immense réservoir de motifs traditionnels permet à chacun ou à chacune de réaliser des oeuvres originales puisque les combinaisons possibles sont infinies. Et même si des outils sophistiqués ont été inventés pour faciliter le travail, le matériel de base: une aiguille, du fil, des ciseaux et des morceaux de tissu, reste encore à la portée de tous.

Voir aussi

 

Les pionniers du quilt

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